par TH1 Villien

En attente des images

Les étapes de la conception urbaine en rapport avec la lumière naturelle

L’urbanisme opérationnel n’a pas, contrairement à la Maîtrise d’Oeuvre architecturale de cadre normatif bien établi. Les contrats sont négociés à chaque mission sur la base des prestations estimées nécessaires à réaliser. Les devis sont établis en principe sur des bases de temps passés estimés préalablement de manière très souvent forfaitaire.

Des équipes pluridisciplinaires mais comprenant très rarement une compétence sur la lumière naturelle

La conception urbaine opérationnelle est très fortement pluridisciplinaire (plus que la maîtrise d’œuvre des bâtiments) : elle associe de nombreuses compétences sous l’égide coordinatrice d’un mandataire. Les compétences réunies sont à minima celles de l’urbaniste, souvent architecte par ailleurs, d’un économiste, pour établir les bilans d’opération notamment, un bureau d’études de VRD (Voirie, Réseaux, Distribution), et un bureau de paysagistes pour le design des espaces extérieurs et le choix des végétaux.
Parfois un éclairagiste est adjoint pour la lumière artificielle quand celle-ci joue un rôle de communication particulier. De plus en plus souvent un bureau d’études environnemental a une mission conjointe intégrée ou parallèle à la conception urbaine afin d’évaluer les performances environnementales, posées à travers les différents référentiels de l’aménagement du Développement Durable. C’est dans ces bureaux d’études environnementaux que se loge les compétences sur la lumière naturelle. De manière exceptionnelle de rares bureaux d’études spécialisés dans la conception de la lumière naturelle sont employés pour résoudre des questions très spécifiques. De Luminae fait partie des rares bureaux d’études étudiant la lumière naturelle à toutes les échelles.

La lumière naturelle comme énergie.

L’énergie devient un thème très important dans la conception urbaine. A ce titre l’éclairement artificiel fait l’objet d’évaluation dans le bâtiment mais bien après que les choix urbains soient « ficelés ». Mais qu’en est-il de la lumière naturelle ? Ainsi les épaisseurs du bâti, les distances entre les bâtiments sous conditionnés très tôt et lorsque les architectes interviennent les cahiers des charges offrent très peu d’alternatives pour satisfaire au plein gabarit et à la pleine rentabilité de la parcelle. La lumière naturelle dans ses aspects quantitatifs mais aussi qualitatifs, est ainsi conçue très tôt par la conception urbaine. Même s’il s’agit la plupart du temps d’une conception lumineuse par défaut.
C’est dire que les critères les plus décisifs quantitativement sont calibrés bien avant que la conception architecturale ne débute. La lumière, dans ces phases de conception urbaine, est la plupart du temps prise en compte à travers des considérations d’efficience thermique.
Au stade de la conception urbaine les sources lumineuses et les effets lumineux sont allègrement confondus, c’est à dire traités pèle mêle. Ainsi la couleur d’un revêtement de cheminement piéton influe directement sur la réflexion lumineuse. Cette prescription est en général retenue par le paysagiste ou l’urbaniste sans grande évaluation de l’impact de ce choix en terme de source lumineuse. Les effets lumineux sont également rarement reconnus en tant que tels. Par exemple les revêtements de façade dans les tissus existants historiques sont prescrits avec des palettes colorées à appliquer. Les effets lumineux d’une palette colorée instituée, par un SDAP (Service Départemental d’Architecture) ou un service architectural d’une grande ville régit par une ZPPAUP ou une AVAP, ne sont que très rarement étudiés en amont ou en aval. Ainsi la palette des couleurs des enduits des bâtiments des bords de Saône à Lyon harmonise les couleurs des immeubles le long des quais depuis des décennies, mais aucune évaluation précise à ce jour n’a été faite pour rendre compte des effets lumineux induits, d’un point de vue scientifique, ou à tout le moins dans une analyse rationnelle. Le résultat est reconnu comme de bonne qualité et même il inspire des peintres, mais il ne fait pas avancer une connaissance rationnelle reproductible ailleurs.
L’approche de la lumière naturelle urbaine est donc essentiellement « culturelle », et les méthodes de conception sont ainsi fortement irrationnelles.

Des phases en évolution pour intégrer une pensée cyclique de l’aménagement

Les concepteurs et les maîtres d’ouvrage connaissent bien les phases de la conception architecturale, telles qu’elles sont contractualisées depuis bientôt 4 décennies, sur la base de la fameuse « loi MOP »imgLes étapes de la Maîtrise d’œuvre sont bien définies par la loi MOP depuis la loi de 1977… cf. référence.. Les phases de la conception urbaine sont par contre infiniment moins codifiées que celles de la maîtrise d’œuvre architecturale.
Il existe cependant de grandes innovations méthodologiques qui se sont imposées progressivement depuis les années 1990. Les quatre phases habituelles de la conception urbaine proprement dite sont les suivantes :

  • une phase de diagnostic
  • une phase de « scénarios »
  • une phase de plan d’aménagement
  • une phase de cahier des charges

Parmi les innovations de méthodes issues de la période des 20 dernières années nous soulignerons cette phase des « scénarios ». Cette phase prend la suite de la traditionnelle phase de départ dite de « diagnostic » de la situation, des conditions préalables. La phase de diagnostic peut être selon la taille de l’étude urbaine augmentée de « premières propositions ». Vis-à-vis de ces premières intentions de projets le diagnostic rassemble les données, à charge ou à décharge, dans des « datascapes »imgL’agence des Pays Bas MVRDV est la référence en matière de « datascape ». Elle en a fait l’un de ses piliers méthodologiques majeurs pour sa pratique architecturale de haut niveau, reconnue internationalement.. Mais la méthode des scénarios, d’essence comparative, tranche fortement sur la conception architecturale procédant par approfondissement des certitudes successives. Alors que ce raisonnement en scénarios force les concepteurs à établir des solutions de projets contrastés, posant à l’ensemble des acteurs institutionnels, politiques, de véritables choix stratégiques. Le « datascape », ou « paysage de données, consiste à exposer dans une grille d’analyse très large de multiples données. On comprend ici que la question de la lumière naturelle trouve plus facilement sa place que dans une classique analyse thématique.

La simulation versus la représentation

En conception urbaine la lumière naturelle est rarement représentée. Des rendus en perspective existent bien dans les quelques concours d’urbanisme qui se déroulent en France. Mais il s’agit le plus souvent de perspective cavalière, vue d’avion, ne rendant pas compte de la lumière naturelle mais plutôt des matériaux de sols, des volumétries des végétaux, des gabarits du bâti, etc.

Les perspectives d’espaces publics représentent le végétal et les aménagements de mobiliers urbains, l’écriture générale des façades. Mais la lumière naturelle n’est qu’un prétexte pour mettre en valeur une idée, un parti. Il s’agit donc de pure « représentation ».

Par contre dans les phases détaillées, plus techniques, de conception urbaine des « simulations dynamiques » sont faites, rendant compte de l’ensoleillement sur certaines périodes, ou montrant les quantités de lumière diffuse reçues sur les enveloppes des bâtiments (l’indicateur FLJ). Ces simulations dynamiques sont souvent exprimées dans des images en fausses couleurs, qui rattachent ainsi à une culture technique et très contemporaine la question de la lumière naturelle.

Ces images sont cependant inscrites au cœur des études spécifiques d’experts, produites lors des études d’impactimgLes « études d’impacts » ont en urbanisme une forme codifiée avec un sommaire pré établi. Les questions d’ensoleillement y ont leur place. Mais la lumière en tant que telle n’est pas listée explicitement. … On pourra montrer par un « sommaire type » l’absence / la place relative / de la lumière naturelle., ou des études AEPimgLes études « AEP » se développent depuis une petite décennie. Elles accompagnent la conception en lui offrant une base analytique systématique, voire systémique. On pourra se reporter pour compléter la connaissance des études AEP aux sites internet d’un BET spécialisé dans ce domaine tel que « Transfaire ».

Le développement des modèles numériques urbains

Les évolutions récentes voient la montée en puissance notamment par le biais des grands opérateurs urbains des réseaux et de l’énergie, de véritables modèles numériques à l’échelle urbaine. Ainsi la ville est modélisée par différentes modèles : Smart Grid, l’Analyse de Cycle de vie, performancielle et bientôt conséquencielle. Mais la lumière naturelle est encore peu ou pas intégrée dans ces modèles de simulation ou de gestion. Par exemple dans les modèles de « BIM urbain » le fait que la consommation d’électricité dépende notamment de l’autonomie lumineuse des locaux à éclairer n’est pas encore vraiment pris en compte afin que cela ait un effet en retour sur l’usage et l’aménagement des bâtiments. Dans les rares démarches des « bâtiments performants » la lumière naturelle a une place conséquente. Mais dans les modèles à l’échelle urbaine traitant du tissu existant la lumière naturelle a ses indicateurs très peu intégrés dans les calculs des simulations : les effets de masque, les apports passifs, l’autonomie lumineuse sont très peu simulés.

Les points de vigilance qui seront donc à développer en rapport avec les questions de lumière naturelle à la suite de la recherche CLEA sont de différentes catégories.

La simulation dynamique en grand développement.

Le domaine de la simulation dynamique se généralise vraiment - les pionniers qu’étaient les logiciels de la thermique des bâtiments ayant frayés la voie – et se développe de manière opérationnelle pour la lumière naturelle, à l’échelle « micro-urbaine », celle de l’îlot, notamment par les situations de macrolots dans la ville dense.

Les nouvelles formes de contractualisation pour garantir les performances.

De nouveaux contrats apparaissent pour garantir les performances thermiques et lumineuses. Les phases aval de la conception urbaine, celle de la gestion sont marquées par de nouvelles exigences de contractualisation. Les garanties de différents acteurs sont demandées pour s’assurer de la réalité des résultats visés. Ainsi pour garantir des performances des instrumentations de bâtiments et des espaces extérieurs sont réalisés. Ces mesures servent à prouver les résultats effectifs comparés aux performances prévues. Mais ces nouvelles exigences ont un effet en amont. Il n’est qu’à voir l’important développement des évaluations « ex-ante » pour le prouverimg On se reportera aux définitions suivantes : http://www.cedip.equipement.gouv.fr/evaluation-ex-ante-a141.html

« Définition : Evaluation effectuée avant la mise en oeuvre d’une intervention publique.

L’évaluation ex ante porte sur l’analyse du contexte à l’origine de l’intervention publique, sur le contenu de cette intervention, sur les conditions de mise en oeuvre et sur les réalisations, résultats et effets attendus.

Elle constitue un support essentiel pour le pilotage et les évaluations ultérieures.

Mais il ne s’agit pas de l’élaboration d’une stratégie : une évaluation ex ante ne comporte pas de choix décisionnel ; elle vise à les éclairer.

Développement : Une évaluation ex ante recouvre :

- un diagnostic sur une situation ou une évolution jugée critique, appelant une intervention publique,
- une analyse de la stratégie d’intervention, permettant d’anticiper le mécanisme procédural, les moyens financiers et humains, le calendrier. Une telle démarche peut déborder utilement sur le choix concerté de critères d’évaluation des effets de la politique concernée, et d’indicateurs de mesure adaptés.

L’évaluation « ex post » d’une politique donnée peut servir d’évaluation ex ante d’une politique réformée.

Une évaluation ex ante se doit d’expliciter et critiquer la théorie d’action qui sous tend la politique décidée.

Exemple(s) : Les Etats membres de l’Union Européenne sont tenus de procéder systématiquement à des évaluations ex-ante des programmes des fonds structurels avant de contractualiser avec la Commission européenne.

Synonyme(s) : Evaluation à priori - Diagnostic - Référentiel - Appréciation (de l’anglais « appraisal »).
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Le poids de « l’indétermination programmatique » pour la conception architecturale et urbaine

Enfin nous soulignerons l’importance prise en période de « crise économique permanente » par la programmation d’un « indéterminé programmatique ». Il s’agit des parties volontairement non programmées au moment de la réalisation dans les aménagements architecturaux et urbains en général. Nous voulons désigner ici ce qui dans les usages ne peut pas – ou ne doit pas - être décidé à l’avance, ce que le « marché » veut définir en vraie grandeur sans anticipation. Souvent une part de la programmation est dite « non programmée » et est réservée pour des stades ultérieurs. Ainsi par exemple les réserves foncière en volumes dans certains hôpitaux, ainsi les lieux très polyvalents d’équipements aux fortes mutualisations. Quand cette part non programmée devient importante la question de l’accès à la lumière naturelle devient elle aussi déterminante : comment concevoir dés lors l’enveloppe du point de vue des apports de flux lumineux, des protections solaires, … La réponse apportée dans ces situations privilégie souvent une maximalisation des flux lumineux et des vues. Un immeuble de bureau est actuellement construit avec une enveloppe vitrée plus importante que celle d’un immeuble d’habitation. Si on veut assurer une mixité non précisément programmée au départ entre fonction tertiaire et habitation, on fera une enveloppe très vitrée. On voit bien ainsi que la lumière naturelle est un facteur décisif pour arbitrer et permettre de mettre en œuvre ces « flous programmatiques ».

Ambiances lumineuses en lumière de jour