par Certivea
S’il n’existe pas à l’heure actuelle de méthode harmonisée pour caractériser et mesurer la performance d’un projet architectural du point de vue du confort visuel, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’un enjeu fondamental auquel s’intéressent la réglementation, la normalisation et la certification environnementale de bâtiments aussi bien en France qu’à l’étranger.
La réglementation française en matière de confort visuel est dictée par le Code du Travail , qui préconise un certain nombre d’obligations et de recommandations relatives au maître d’ouvrage et au chef d’établissement. En ce qui concerne les obligations du chef d’établissement, il s’agit notamment d’éviter la fatigue visuelle et les affections de la vue par un éclairage suffisant, adapté et non gênant, de donner la priorité à la lumière naturelle, de protéger contre l’éblouissement et la fatigue visuelle, de faciliter l’accès aux organes de commande de l’éclairage et d’entretenir le matériel d’éclairage.
Quant au maître d’ouvrage, il doit utiliser la lumière naturelle pour les locaux affectés au travail, installer à hauteur des yeux des baies transparentes donnant sur l’extérieur, et dans la limite de sa responsabilité concevoir et réaliser les bâtiments et leurs aménagements de façon à ce qu’ils satisfassent aux dispositions applicables décrites précédemment au chef d’établissement. En cas de non-respect de ces dispositions, des relevés photométriques peuvent être réalisés et des sanctions pénales peuvent être prononcées à l’encontre du chef d’établissement ou du maître d’ouvrage.
Au-delà du Code du Travail qui impose les exigences minimum réglementaires, la normalisation a établi et met à jour un certain nombre de normes relatives au confort visuel. Deux normes sont importantes à retenir ici : la norme NF EN 12464-1 relative à l’éclairage intérieur des lieux de travail et la norme NF X35-103 relative à l’ergonomie de la vision. La première définit les exigences auxquelles doit satisfaire une installation d’éclairage pour que la tâche visuelle des personnels s’effectue dans de bonnes conditions, tandis que la seconde décrit des principes ergonomiques et une méthode visant à définir les éléments essentiels à l’éclairage des lieux de travail.
Ces normes, d’application volontaire, visent avant tout à assurer une quantité de lumière suffisante pour la vision, à s’assurer de l’absence de gêne visuelle (même si tout n’est pas encore défini) et ainsi prévenir les risques de fatigue visuelle et respecter les limites physiologiques humaines. En revanche, elles ne s’intéressent pas aux aspects émotionnels, sensibles des ambiances lumineuses qui sont pourtant un aspect important. Pour plus de détails sur les aspects physiologiques et émotionnels, ici
Aujourd’hui, les certifications de la qualité environnementale des ouvrages sont de plus en plus reconnues parmi les différents acteurs du milieu du bâtiment : maîtres d’ouvrage, exploitants, utilisateurs, propriétaires, architectes, bureaux d’études, etc. Elles deviennent même parfois indispensables pour la vente ou la location d’ensembles bâtis.
Les certifications environnementales sont des processus d’évaluation de la performance environnementale qui reposent sur des référentiels techniques d’évaluation. Elles ne s’intéressent pas uniquement à la performance énergétique. Elles évaluent aussi d’autres aspects de la qualité environnementale comme les aspects de confort (confort acoustique, confort visuel, etc.), de santé, de biodiversité, de transports, etc.
Afin de mesurer tous ces aspects, les certifications s’appuient sur un ensemble de données, d’indicateurs , qui reflètent la performance du bâtiment.
La partie suivante s’intéresse aux indicateurs utilisés dans les certifications environnementales pour l’ambiance lumineuse.
Indicateurs utilisés à l’échelle de l’ouvrage
Ci-dessous un focus sur certaines certifications environnementales d’ouvrage utilisées dans le monde ; à savoir : NF HQE – France , LEED – Etats-Unis , BREEAM – Angleterre et GREENSTAR – Australie .
Composante 1 : Quantité de lumière
NF HQE | Valeur de FLJ ponctuel minimum à respecter sur 80% de la zone de 1er rang pour 80% des locaux. Le seuil à respecter diffère en fonction de la typologie de la pièce (ex : 1.2% pour les bureaux) et du niveau de performance visé (voir le guide de rédaction d’une étude d’éclairage naturel sur e site de Certivéa) |
BREEAM | La conception de l’éclairage naturel dans le local doit respecter les exigences nationales réglementaires ET Valeur de FLJ moyen à respecter sur 80% de la surface du local – Le seuil à respecter diffère en fonction de la localisation de l’opération (ex : 1.8 % à Paris). La valeur à atteindre ici est une valeur moyenne calculée sur toute la surface du local. OU Autonomie lumineuse annuelle à respecter sur 80% de la surface du local – Le seuil à respecter est de 2650 heures à 200 lux ET Valeur d’uniformité (exprimé comme le ratio FLJmin/FLJmoy) minimum à respecter – Le seuil à respecter est 0.4 (0.7 pour les locaux éclairés en zénithal) OU Valeur de FLJ ponctuel moyen à respecter sur 80% de la surface du local – Le seuil à respecter diffère en fonction de la localisation de l’opération (ex : 0.72 % à Paris et 1.26% à Paris pour les locaux éclairés en zénithal) OU Traitement qualitatif – Vue du ciel à partir du plan de travail (0.7 m) ET Dimensionnement du local à respecter – Le seuil à respecter est : d/w +d/HW < 2/(1-RB)) Avec d est la profondeur de la pièce, w la largeur de la pièce, HW la hauteur du linteau de fenêtre depuis le sol de l’étage, RB la réflectance moyenne des surfaces de la partie arrière de la pièce. |
LEED | Autonomie lumineuse spatiale minimum à respecter. Le seuil à respecter diffère en fonction de la typologie du bâtiment (hors établissements de santé) et du niveau de performance visé (ex : 2 points si 55% et 3 points si 75%). OU Niveau d’éclairement calculé minimum à respecter pour deux conditions de ciel. Les deux conditions de ciel sont :
OU Niveau d’éclairement mesuré minimum à respecter pour deux conditions de ciel.Le seuil à respecter doit être compris entre 300 et 3000 lux et diffère en fonction de la surface du local où la mesure est effectuée.
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Greenstar | Valeur de FLJ moyen à respecter sur la surface louable nette du local – Le seuil à respecter diffère en fonction de chaque typologie de pièce OU Niveau d’éclairement naturel minimum à respecter sur la surface louable nette du local – Le seuil à respecter en éclairement naturel est de 250 lux et diffère en fonction du niveau de performance visé (ex : nombre de points différent si cela concerne 30% ou 60% ou 90% de la surface louable nette). |
Composante 2 : Répartition de la lumière
Les référentiels de certification se focalisent avant tout sur le risque d’éblouissement, notamment pour les espaces avec travail sur écran où des phénomènes d’éblouissement par réflexion peuvent survenir.
NF HQE | Traitement qualitatif de l’éblouissement (mise en place de dispositifs architecturaux ou techniques) |
BREEAM | Traitement qualitatif de l’éblouissement (mise en place de dispositifs architecturaux ou techniques) |
LEED | Traitement qualitatif de l’éblouissement (mise en place de dispositifs architecturaux ou techniques) Notes : – L’éblouissement est partiellement traité dans la méthode de calcul de l’autonomie lumineuse où il convient de démontrer via simulation que pas plus de 10% des espaces naturellement éclairés ne reçoit un rayonnement solaire direct pour plus de 250 heures par an à hauteur du plan de travail (en l’absence de stores). – Si le bâtiment est livré en blanc, cette exigence est reportée sur les futurs locataires via un cahier des charges preneur. |
GREENSTAR | Valeur minimale du temps d’ombrage du plan de travail- – Le seuil à respecter est de 80% des heures travaillées ET Valeur maximale de la transmission lumineuse des stores ou écrans équipant tous les vitrages. Le seuil à respecter est de 10% ET Traitement qualitatif de l’éblouissement (mise en place de dispositifs architecturaux permettant l’élimination du soleil direct ou de dispositifs techniques comme un système automatique de supervision ou un système de contrôle par les utilisateurs) |
Composante 3 : Aspects qualitatifs
Les référentiels de certification se focalisent sur des aspects d’ordre psychologique ou pratique, tels que l’accès à des vues sur l’extérieur ou la maîtrise de l’ambiance visuelle.
NF HQE | Pourcentage minimum de la surface des espaces sensibles ayant accès à des vues sur l’extérieur à respecter – Le seuil à respecter est de 100% ET Traitement qualitatif de la maîtrise de l’ambiance visuelle (mise en place de dispositif(s) fonctionnel(s) permettant aux usagers d’agir sur l’éclairage naturel dans les locaux) |
BREEAM | Pourcentage minimum de positions au sein des espaces sensibles (« relevant building areas ») étant à moins de 7 mètres d’un mur avec une fenêtre ou une ouverture permanente qui permet une vue convenable vers l’extérieur – Le seuil à respecter est de 100% Notes : – La fenêtre ou ouverture doit représenter au moins 20% du mur – Si la profondeur de la pièce est supérieure à 7m, Valeur minimum à respecter pour le pourcentage d’ouverture – supérieur ou égal aux valeurs du tableau 1.0 du standard BS 8206. - Le référentiel BREEAM valorise (pour les établissements de santé) la mise en place d’une stratégie de promotion de l’art qui peut porter sur l’amélioration du cadre de vie, la relation du bâtiment avec les riverains, la relation du bâtiment avec les patients et leur famille, la mise en place d’espace de détente, la végétalisation des espaces du centre de soin, etc. |
LEED | Pourcentage minimum des espaces régulièrement occupés ayant une ligne de vue sur l’extérieur au travers d’un vitrage transparent à respecter – Le seuil à respecter est de 75% des espaces régulièrement occupés |
GREENSTAR | Pourcentage minimum de la surface louable nette ayant une vue directe sur l’extérieur à respecter – Le seuil à respecter diffère en fonction du niveau de performance visé (ex : 1 point si 60% et 2 points si 80%) |
Indicateurs utilisés à l’échelle du quartier
La même analyse a été effectuée à l’échelle du quartier. Les thématiques du confort visuel évaluées restent les mêmes mais l’importance de chacune de ces composantes n’est pas nécessairement la même qu’à l’échelle de l’ouvrage (par exemple dans les espaces extérieurs, la quantité de lumière est généralement largement suffisante pour se repérer et discerner les objets, l’éblouissement peut être évité en tournant la tête ou au contraire recherché, et les aspects qualitatifs peuvent être de nature différente). Ainsi les indicateurs utilisés différent.
Focus sur les certifications environnementales de quartier suivantes : NF HQE France, HQE Aménagement France, LEED Neighborhood Etats-Unis.
Composante 1 : Quantité de lumière
Les référentiels de certification prennent en compte la quantité de lumière naturelle soit de manière qualitative, soit grâce à des indicateurs.
NF HQE | Traitement qualitatif du droit à la lumière et au soleil des riverains (mise en place de dispositifs pour optimiser le droit au soleil et à la lumière naturelle des riverains au regard de la situation de l’existant, notamment en travaillant sur la durée d’ensoleillement et sur les effets de masques de l’implantation du projet sur les bâtiments voisins, conformément à la réglementation) ET Traitement qualitatif du potentiel d’ensoleillement (mise en place de dispositifs pour prendre en compte les impacts de l’environnement bâti pour exploiter ou se protéger des effets de masque, assurer une protection au soleil ou créer des zones ombragées, etc.) |
HQE Aménagement |
Traitement qualitatif de la densité. Note : Le thème « Densité » vise une utilisation économe de l’espace. Il ne s’agit pas à tout prix de construire des bâtiments très rapprochés les uns des autres, ce qui pourrait limiter les apports solaires et lumineux et augmenter leur consommation énergétique, mais d’utiliser l’espace de manière rationnelle et de faire en sorte que le territoire présente suffisamment de densité et d’intensité d’activité au vu du contexte, tout en respectant un cadre de vie de qualité. ET Traitement qualitatif de la qualité des ambiances. Note : Le thème « Ambiances et espaces publics » a quant à lui pour enjeu la qualité des espaces publics, et la prise en considération des données locales et climatiques lors de la conception (sols, vent, pluie, soleil, etc.) pour améliorer l’ambiance et le confort des espaces. |
LEED Neighborhood |
Pourcentage maximum des surfaces des façades verticales et des toitures faisant face au sud ombragées à midi au solstice d’hiver- Le seuil à respecter est de 100% Ratio minimum hauteur de bâtiment / largeur de rue – Le seuil à respecter est de 1 pour 3 Traitement qualitatif des retraits de façade par rapport à la voie publique Pourcentage minimum de vitrage entre 0,9 et 2,4m pour les façades des magasins, boutiques, etc. en rez-de-chaussée – Le seuil à respecter est de 60% Pourcentage maximum de paroi opaque jouxtant un trottoir – Le seuil à respecter est de 40% ou 15 mètres au maximum |
Composante 2 : Répartition de la lumière
L’ensemble des référentiels de certification ne prennent pas en compte la répartition de la lumière.
NF HQE | Pas d’indicateur |
HQE Aménagement | Pas d’indicateur |
LEED Neighborhood | Pas d’indicateur |
Composante 3 : aspects qualitatifs
Certains référentiels de certification mesurent les aspects d’ordre psychologique ou pratique uniquement via un traitement qualitatif, tandis que d’autres les mesurent via des indicateurs.
NF HQE | Traitement qualitatif de l’accès aux vues (mise en place de dispositifs pour optimiser l’accès aux vues en cohérence avec les potentialités et contraintes du patrimoine naturel et bâti identifiées dans l’analyse de site)Note : Le référentiel valorise l’amélioration de l’existant comme par exemple l’aménagement d’espaces paysagers, la végétalisation du bâti, la diminution des masques etc. |
HQE Aménagement |
Traitement qualitatif de
(mise en place de dispositifs optimisant la qualité des vues, exploitant le végétal et l’eau comme des éléments paysagers, etc.) |
LEED Neighborhood |
Pourcentage minimum du linéaire de façade neuve faisant face à un lieu public (hors parking) et étant relié aux trottoirs ou voies piétonnes – Le seuil à respecter est de 90% Pourcentage maximum du linéaire de rue faisant face à des garages et des portes de service – Le seuil à respecter est de 20% Ratio minimum hauteur de bâtiment / largeur de rue – Le seuil à respecter est de 1 pour 3 Traitement qualitatif des retraits de façade par rapport à la voie publique Pourcentage minimum de vitrage entre 0,9 et 2,4m pour les façades des magasins, boutiques, etc. en rez-de-chaussée – Le seuil à respecter est de 60% Pourcentage maximum de paroi opaque jouxtant un trottoir – Le seuil à respecter est de 40% ou 15 mètres au maximum Pourcentage minimum d’arbres le long des rues existantes – Le seuil à respecter est de 60% ou des intervalles n’excédant pas 12 mètres de distance. Note : Le référentiel fixe des exigences concernant les trottoirs neufs : faire au minimum 2,4 mètres de large pour les lieux de commerce ou à usage mixte et 1,2 mètres de large pour tout autre lieu. |
La synthèse des indicateurs utilisés dans les référentiels de certification de la qualité environnementale des ouvrages montre que chaque référentiel a sa propre définition du confort visuel et valorise cette thématique au travers d’exigences spécifiques. En règle générale, deux volets apparaissent dans ces référentiels de certification : un volet éclairage naturel et un volet éclairage artificiel. En termes d’éclairage naturel, on remarque qu’aucun de ces référentiels ne proposent d’indicateur de perception de la qualité de l’ambiance visuelle. Seuls des indicateurs quantitatifs de type facteur lumière jour ou autonomie lumineuse sont utilisés pour caractériser uniquement la quantité de lumière pénétrant dans l’ouvrage. Certains référentiels introduisent la notion d’équilibre des luminances, mais ne précisent pas de méthode de calcul ou d’indicateur.
Cette synthèse s’est faite selon les 3 composantes proposée précédemment dans le guide, Qualité (Quantité de lumière), Confort (Répartition de la lumière) et Agrément (Aspects qualitatifs) afin de servir de support de réflexion pour la recherche de nouvelles logiques d’agrégation et de nouveaux indicateurs.