par AIR Architecture

Au cours de leur formation, les architectes sont initiés à différents principes théoriques qui guident la conception architecturale. Ces théories leur donnent un corpus de « règles architecturales » qui participeront, de manière plus ou moins consciente, à leur travail de conception du Projet Architectural. Nous allons rappeler ici, de manière très simplifiée, les règles qui assistent l’architecte dans son processus de conception.

La composition classique

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Les cinq ordres classiques de Vignole

Les civilisations antiques : Les grecs et les romains, les égyptiens, définissent les canons de l’architecture classique. La composition est basée sur des proportions définies comme harmonieuses, elles tentent idéalement d’établir des symétries dans le dessin des façades et des plans. Des éléments architectoniques de vocabulaire architectural sont définis : Ordres, frontons, entablements, triglyphes et métopes, colonnes toscanes, doriques, ioniques, corinthiennes,…

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Frontons, Nouveau Larousse Illustré en 7 volumes, 1898-1904- DP

L’architecture assemble ces éléments pour mettre en place des compositions géométriques simples, symétriques et harmonieuses. Ce type de composition est redécouvert à la Renaissance, et des architectes comme Perrault, Mansart, Le Vau en établiront les canons modernes.
Ce courant, que l’on croyait définitivement enterré après la seconde guerre mondiale, a trouvé une nouvelle influence à partir de la fin des années 1970, avec le courant Post-Moderne ; La question de la lumière naturelle y est abordée de diverses manières. Elle n’apparait pas comme centrale de prime abord, du moins dans les temples grecs et romains. Il est cependant indéniable que la question de l’accroche de la lumière sur la surface des matériaux y a une grande importance : les pierres calcaires le plus souvent utilisées, la forme circulaire des colonnes parfois cannelées, tout fait pour donner à voir une architecture qui change et évolue avec le climat et les heures du jour.
Les formes dérivées de l’architecture classique grecque et romaine se retrouveront plus tard dans le classicisme européen et le baroque.

La qualité de la lumière dans l’architecture baroque revêt un caractère mystique : elle doit participer au sentiment du sacré et de l’existence de Dieu. La lumière y pénètre par des sources cachées qui éclairent des objets, de espaces qui paraissent plus lumineux par effet de contraste. Des systèmes extrêmement sophistiqués iront ainsi illuminer un dôme, une alcôve, une statue sans que le spectateur puisse en déterminer l’origine.

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Abbaye de Weltenbourg, Bavière © CH

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Abbaye de Weltenbourg, Bavière ©CH

La composition par pièces

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Louis Kahn - Yale Centre for British Art – Espace servi – ©CH

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Louis Kahn- Yale Centre For British Art – Espace servant – © CH

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Louis Kahn- Yale Centre For British Art – la lumière naturelle dans les galeries– © CH

Ce type de composition procède d’une approche relativement intuitive, dans laquelle des fonctionnalités amènent à créer des pièces, qui sont assemblées au fur et à mesure des besoins : cuisine, salle de réception, chambres à coucher… Ces pièces sont simplement juxtaposées les unes aux autres, et des éléments de circulation, des escaliers hélicoïdaux, peuvent être ajoutés pour résoudre les difficultés fonctionnelles. Ces différents éléments peuvent parfois être ramenés dans une forme géométrique simple et unitaire. L’architecture médiévale des châteaux forts est souvent réalisée sur cette base. Ce type de composition apparait comme désuet et contraire à la bonne Architecture à la Renaissance, qui redécouvre les normes de composition classique.
L’architecte Louis Kahn redonnera dans la seconde moitié du 20ème siècle ses lettres de noblesse à ce type de composition, en parlant d’espaces servis et d’espaces servants dans sa composition. Les espaces servis sont les pièces nobles, celles dédiées à la fonction première du bâtiment (des classes dans une école, ou des salles d’exposition dans un musée) : elles bénéficient des formes géométriques les plus pures, de la meilleure qualité de lumière. Les espaces servants sont les autres, et notamment les espaces de circulation, qui sont traités également comme des éléments entiers : cela se voit notamment dans le traitement des escaliers.

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Louis Kahn - Les systèmes de filtration de la lumière naturelle au Centre for British Art –©CH

Le Yale Center For British Art à Yale, conçu par Louis Kahn, est particulièrement emblématique de cette approche ; les salles d’exposition ont une forme particulièrement régulière, éclairées par des systèmes extrêmement sophistiqué de traitement de la lumière naturelle, qui la filtrent pour qu’elle descende de manière uniforme. Les circulations se trouvent elles dans des volumes parfaitement identifiés en béton brut, cylindres pures posés dans l’espace des pièces.

La composition moderne spatiale et fonctionnelle

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Le Corbusier - Carpenter Center for Visual Arts - Harvard ©CH

Issu des concepts apparus avec les mathématiques modernes et la géométrie tridimensionnelle, ce type de composition s’intéresse à la perception de l’espace. L’architecture est vue comme une articulation d’espaces, à la fois fluides et rythmés par la présence d’éléments architectoniques aux formes géométriques simples. L’espace est ouvert, non clos, ses limites sont difficilement perceptibles et sont simplement marquées par des éléments unitaires de murs non raccordés entre eux par plus de deux angles.

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Le Corbusier - Carpenter Center for Visual Arts - Harvard ©CH

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Le Corbusier -Carpenter Center for Visual Arts - Un "Canon à Lumière" – © CH

Des parois vitrées aussi invisibles que possible viennent fermer physiquement ce qui doit l’être. Cette architecture joue avec la lumière naturelle pour donner à lire les qualités complexes de ses espaces.
Par opposition à la composition classique, il est affirmé que la forme suit la fonction («Form follows Function »). Les fonctionnalités qui étaient isolées entre elles par des murs dans la composition par pièces sont ici liées les unes aux autres par la fluidité des espaces, la non fermeture des pièces. Cette fluidité est vue comme plus favorable à une bonne fonctionnalité des lieux.

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Le Corbusier - Carpenter Center for Visual Arts -Harvard © CH

La lumière y est traitée par différents procédés, comme les canons à lumière et les brises soleils.

Cette obsession fonctionnaliste dérivera ensuite vers les excès de ce courant : la « machine à habiter », qui verra une rationalisation excessive de l’architecture. C’est elle qui finira par produire les grands ensembles qui, décriés par l’opinion publique, donneront à l’architecture moderne une image négative dont elle ne s’est jamais vraiment dégagée.

La composition formaliste

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Frank Gehry - Fondation Vuitton ©CH

« Function follows form » : par opposition au credo des modernes, le leitmotiv de ce courant est de donner une forme sculpturale à l’architecture. Elle est vue comme un objet signifiant dans la ville par sa forme géométrique, plus ou moins complexe. L’architecte produit une forme, parfois basée sur des géométries très simples, parfois au contraire sur des géométries extrêmement complexes et déstructurées.

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M.Fuksas- Archives Nationales à Pierrefitte – ©CH

Les différentes fonctions du bâtiment viennent ensuite s’accommoder de cette forme, s’adapter et se glisser en son sein. Cette architecture donne des objets marquants dans la ville, elle est spectaculaire et fait souvent les bâtiments remarqués par le grand public et les médias.

La question de la lumière naturelle n’y est généralement pas spécialement étudiée en ce qui concerne les intérieurs. Les espaces intérieurs sont le plus souvent conçus comme des résultants des formes extérieures.

Le travail sur les matériaux- Le brutalisme

En réaction au modernisme qui voyait l’espace comme un objet pur et dont la matérialité importait peu (faite souvent d’un béton enduit rendu aussi neutre que possible dans son expression), certains courants se sont intéressés de près à la question de la matière et du matériau : bois, pierres naturelles et texturées, verre plus ou moins traité, béton texturés, métaux traités… Cette architecture se base sur l’aspect tactile, rugueux, narratif des matériaux, sur leur manière d’accrocher la lumière…

Le courant brutaliste, porté par Le Corbusier dans l’après guerre, en aura été une des premières manifestations, en mettant la matérialité des choses, des bois et des bétons en avant, dans une posture d’honnêteté intellectuelle vis à vis du matériau. Plus près de nous, un architecte comme Peter Zumthor fait porter l’essence même de son travail sur cette question des matériaux et certains de ses projets sont portés quasi exclusivement par l’expression de leurs matériaux. Les Thermes de Valls en Suisse, le Musée Kolumba à Cologne, la Chapelle de Bruder Klaus Field : ces trois projets jouent avec la manière dont la lumière va s’accrocher sur les matériaux utilisés : pierre, tuiles de bois, basalt, brique, béton…

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Le Corbusier – La Cité Radieuse à Marseille © CH

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Le Corbusier - Cité radieuse à Marseille (c) CH

Le High Tech

Les architectes de ce courant vont faire porter l’expression de leur architecture sur l’expressivité des moyens techniques qui ont servi à la produire. La structure métallique et les fluides qui irriguent le bâtiment lui donnent sa forme. La question de la gestion des apports en lumière naturelle y est abordée avec une attention extrême.

Le siège de HSBC à Hong Kong, construit en 1985, est entièrement conçu autour d’un système de miroirs qui permettent d’amener la lumière naturelle au cœur du bâtiment.

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N.Foster - HSBC Hong Kong ©NFoster

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N.Foster- HSBC Hong Kong ©Nfoster

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N.Foster - Coupe sur le Hall HSBC

De même, à aéroport de Barajas à Madrid, Richard Rogers met en place des systèmes de filtrage de la lumière particulièrement sophistiqués afin de limiter les apports thermiques et de donner une lumière aussi douce, égale et diffuse que possible alors que la lumière extérieure est crue et violente.

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R. Rogers - Aéroport Barajas, Madrid © CH

L’intégration au site

L’architecte va s’intéresser à la manière dont son bâtiment s’inscrit dans son site. Il va faire son architecture en fonction de celui ci ; il peut soit choisir de réaliser un bâtiment qui s’intègrera de la manière la plus neutre possible, soit au contraire qui se distinguera très clairement dans son environnement. Dans le cas de l’intégration au site, notamment lorsque celui ci est naturel, ce principe peut devenir un générateur dominant de l’architecture. Ce genre d’architecture, dans sa volonté de relation à la nature, va souvent amener le bâtiment à tenir une relation particulière avec la course du soleil et la lumière naturelle. Le bâtiment se ferme au Nord pour s’ouvrir au sud et bénéficier d’un maximum d’apports...

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AIR - Maison de quartier à Bailly Romainvilliers ©CH

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AIR-Maison de Quartier à Bailly Romainvilliers ©CH

L’approche historiciste

Certains architectes pensent qu’il est important de toujours produire aujourd’hui une architecture dans la continuité de l’architecture classique ou ancienne et qui en reprend l’ensemble des codes. Avec des matériaux modernes, en respectant les techniques actuelles, elle vise à reproduire aussi fidèlement que possible une architecture qu’ils voient comme intemporelle, en dehors du temps car liée à des référentiels existants depuis des centaines d’années. Cette architecture ignore généralement les questions de lumière naturelle.

Construire Autrement… Ré enchanter le monde.

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De gauche à droite-Architecture historiciste, intégrée au site, moderne (c)CH

Les thématiques liées au développement durable définies dans le rapport de Brundtland de 1987(le triptyque économique-social-environnemental) ont amenés à une nouvelle manière d’aborder l’architecture.

Le développement durable a commencé à s’imposer dans le bâtiment à travers des approches énergétiques : meilleure isolation du bâtiment, réflexions sur la ventilation, réduction des consommations énergétiques, production d’énergie interne, contrôle des ambiances.

Peu à peu, ces champs se sont élargis à d’autres : impact social, impact économique, emploi de matériaux locaux, utilisation de matériaux recyclables et recyclé, savoir-faire locaux, poids des éléments utilisés, impact du bâtiment pendant le temps de sa construction, pendant son usage, et après qu’il ait été démonté…. Cette architecture s’intéresse moins à la question de la forme finale du bâtiment qu’au processus qui l’a amené à être ce qu’il est. C’est « l’histoire » qui va avec qui le qualifie.

Cette approche holistique du bâtiment implique une attention à la meilleure manière d’utiliser les atouts d’un site, et donc de bénéficier au mieux de sa lumière. Cependant, ce ne sont pas les « effets » qui seront recherchés prioritairement, mais l’efficacité dans la production de lumière pour faire baisser les coûts de fonctionnement.

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Bâtiment en matériaux recyclé construit par des étudiants dans un bidonville d'Ile de France © CH

L’architecte Patrick Bouchain est un des architectes les plus engagés dans ce domaine en France, mais on pourrait aussi citer le burkinabé Francis Keré ou le chinois Wang Shu (prix Priktzer 2012). Ce dernier déclarait ainsi au journal Libération : « L’humanité est plus importante que l’architecture, et l’artisanat plus important que la technologie ».

Ambiances lumineuses en lumière de jour